Les médecins qui ne respectent pas la loi coordonnée du 14 juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire des soins de santé et des indemnité (la “loi SSI”)[1] peuvent être contraints de rembourser à l'INAMI les montants versés par les mutuelles, majorés ou non d'une amende administrative. En cas d'indices graves, précis et concordants de fraude, les paiements effectués par les mutuelles à ce médecin dans le cadre du régime du tiers payant peuvent être suspendus, en tout ou en partie, pour une période maximale de douze mois (voir art. 77sexies de la loi SSI). L'avant-projet de loi-cadre, portant réforme de la loi SSI, vise désormais à ancrer le principe fondamental selon lequel un dispensateur de soins doit disposer d'un numéro INAMI actif pour pouvoir attester et/ou facturer des prestations à l'assurance maladie obligatoire. Bien qu'aujourd'hui, chaque dispensateur de soins qui fournit des prestations dans le cadre de l'assurance maladie dispose d'un numéro INAMI, il n'existait pas de réglementation légale détaillée à ce sujet. L'ancrage légal de ce principe de base va désormais changer la donne.[2]
En outre, un cadre juridique est prévu pour suspendre le numéro INAMI d'un dispensateur de soins.[3] Une version antérieure de l'avant-projet prévoyait que d'autres motifs de suspension pourraient être introduits par un arrêté royal ultérieur. Le ministre a indiqué qu'il visait par exemple les pensionnés qui ne sont plus actifs.[4] Suite à des critiques concernant les possibilités étendues (et potentiellement arbitraires) que cela offrirait au ministre, cette disposition a finalement été supprimée dans la révision de l'avant-projet.[5]
Le cadre juridique prévu pour la suspension des numéros INAMI comprend désormais deux hypothèses dans lesquelles une suspension du numéro INAMI est envisageable.
1° Suspension automatique en cas d'infraction à la législation relative à la qualité de la pratique
Lorsqu'un prestataire de soins perd temporairement ou définitivement son visa à la suite d'une décision de la Commission fédérale de contrôle de la qualité des pratiques, son numéro INAMI est automatiquement suspendu pour la même période d'interdiction d'exercer la profession. Une telle suspension n'est possible qu'en cas d'infractions graves (par exemple, des dispensateurs de soins qui sont tellement dépendants qu'ils constituent un danger pour leurs patients). À cet égard, il est tout à fait logique qu'un prestataire de soins qui n'est pas autorisé à exercer sa profession ne puisse pas non plus facturer ses prestations à l'assurance maladie. Pendant la période où le dispensateur de soins n'est pas autorisé à exercer sa profession, les prestations dont la date de prestation se situe dans la période d'interdiction d'exercer la profession ne seront pas payées au prestataire de soins par les institutions d'assurance.
2° Possibilité de suspension comme alternative à une amende en cas d'infraction à la réglementation INAMI
La Chambre de première instance ou la Chambre de recours au sein du Service d’évaluation et de contrôle médicaux (SECM) de l'INAMI peut imposer une suspension temporaire du numéro INAMI (pour une durée minimale d'un mois et maximale de deux ans) comme alternative à une amende. Cette mesure est possible en cas de violation de la réalité et de la conformité des prestations déclarées (article 73bis, 1° à 3° de la loi SSI) et en cas de prestations superflues ou inutilement coûteuses au sens de l'article 73 de la loi SSI et facturées à l'assurance maladie (art. 73bis, 4° de la loi SSI) et lorsque la valeur des prestations contestées est supérieure à 35 000 euros. Le prestataire de soins dont le numéro INAMI est temporairement suspendu doit en informer le patient avant de lui fournir les prestations. L'INAMI informera également le public du prestataire de soins dont le numéro INAMI est suspendu. L'exposé des motifs précise que les bénéficiaires peuvent ainsi décider en toute connaissance de cause s'ils souhaitent consulter ce prestataire de soins ou un autre. Il peut être souligné, comme l’a fait H. NYS, que l'article 6 de la loi sur les droits des patients impose déjà une telle obligation d'information.[6]
Selon l'exposé des motifs, cette sanction alternative vise à lutter contre les « mauvais payeurs » et les dispensateurs de soins qui ne modifient pas “leur comportement en matière de tarification.” Selon l'exposé des motifs, certains dispensateurs de soins refusent de payer leurs amendes administratives ou n'adaptent pas leur comportement en matière de tarification après avoir reçu une amende.[7] Selon l'exposé, la suspension du numéro INAMI permettrait d'intervenir plus rapidement et plus efficacement qu'une amende.[8] L'exposé des motifs ne fait pas référence à une étude qualitative approfondie sur l'ampleur de ce phénomène. Il n'a pas non plus été démontré que les amendes administratives impayées ne pouvaient pas être récupérées par saisie.
La question se pose donc de savoir si cette mesure n'est pas excessive. Ainsi, un dispensateur de soins qui, pendant un certain temps, facturerait sans fraude en violation de la nomenclature, pourrait se voir suspendre son numéro INAMI pour une durée pouvant aller jusqu'à deux ans, ce qui signifierait de facto la fin de sa carrière.
Dalia Van Damme
[1] Loi coordonnée du 14 juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire des soins de santé et des indemnités, M.B., 27 août 1994, err., M.B., 13 décembre 1994.
[2] Art. X+49 Avant-projet de loi-cadre.
[3] Art. X+51 à art. X+54 Avant-projet de loi-cadre.
[4] Art. X+49, cinquième alinéa Avant-projet de loi portant réforme de la loi SSI (supprimé) : « Le Roi peut fixer les modalités relatives à la délivrance, à l'utilisation et au retrait du numéro INASTR visé à l'alinéa premier. »
[5] Supprimé de l'art. X+49 Avant-projet de loi-cadre.
[6] H. NYS, “Informatieplicht bij opschorting RIZIV-nummer is overregulering”, https://artsenkrant.pmg.be/dossier/EAKbe2524S14_00.
[7] Exposé des motifs de l'article X+52 du projet de loi-cadre.
[8] Exposé des motifs de l'article X+52 du projet de loi-cadre.